Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Paris-Kyoto
16 avril 2014

Un début d'année à la Tetris

photo

L'aventure, la grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose d'inconnu chaque jour dans le même visage. 

C'est le plus grand des voyages autour du monde.

Alberto Giacometti

 

Le ciel était bleu azur, immaculé et baigné de soleil, comme celui dans Le vent se lève de Miyazaki. J'ai inspiré lentement et le plus longtemps possible l'air du matin. Pendant ce temps, mon frère préparait le petit-déjeuner dans sa cuisine. Confiante et apaisée, j'ai quitté Tokyo ce jour là avec le sentiment qu'une nouvelle étape était sur le point de commencer.

(...) 

Trois jours à peine après mon retour, mon Blackberry et mon iPhone dans une main et deux vanilla chai latte brûlants dans l'autre, je me plaignais un peu, avec un air d'équilibriste confirmé, sur la question de devoir toujours être connectée et fatalement d’être sans cesse dans l’instantanéité. C'est là qu' O. prit un air grave et dit: "Tu sais, je crois que les gens ne savent plus être ensemble." J’ai rangé très vite mes téléphones, sur lesquels j'avais un œil rivé malgré moi, tout au fond de mon sac en toile beige, espérant que mon geste soit le plus discret possible tout en répondant: « Tu as tellement raison. »

Plus tard, autour de cette table, qui avait servi quelques mois auparavant au décor d’un des courts-métrages de Break-Ups, se sont retrouvés, le temps d'un dîner improvisé, des profils bien distincts, qu'il aurait été inutile de comparer. M. nous parlait de sa mission aux Philippines au sein de Médecins Sans Frontières: « J'ai parfois l'impression de jouer à Risk. Les seules indications que l’on me donne sont l’emplacement de l’aéroport, celui du port le plus proche, des villes dont les accès sont bloqués et à partir de ces bribes d'informations, je dois me débrouiller pour approvisionner 70 000 personnes en eau potable.» 

Ce soir là, elle nous quitta la première: elle devait préparer son sac en prévision de sa mission, de deux mois, qui débutait dès le lendemain au Soudan du sud. 

(…)

Alors que les minutes de retard du TGV m'avaient déjà un peu éloignée de la soirée d'anniversaire de N., je décidais, sitôt arrivée, d'enfourcher un taxi-moto. En tenant d'une main la poignée, j'ai texté de l'autre, un court mais efficace "j'arrive dans vingt minutes", pendant que le chauffeur zigzaguait joyeusement dans les rues parisiennes. Encore remplie de cette sensation de vent froid s'engouffrant dans mes vêtements, j’ai tapé le code que je connaissais par cœur et, quatre étages plus haut, je retrouvais ceux qui me rendaient cette ville si belle et qui m'avaient tant manqué. 

(...) 

Ce samedi là, face à L’Homme qui chavire, bouleversée, j’ai repensé à ces instants de vie qui rendent la mienne si intense ces derniers temps et à des bribes de conversations que je ne peux m'empêcher de garder en mémoire à défaut de les consigner précieusement dans le petit calpin noir à spirale que j'ai constamment sur moi. 

Il m'arrive de tenter d’établir une grille de lecture qui me permettrait de clarifier certains points, parmi ce tourbillon d'événements qui régit ma vie depuis quelques mois. Je m'interroge aussi sur la notion de Pardon, aussi bien familial qu'en amitié. Et lorsque ces moments s'alourdissent, je m'autorise à m'évader par la pensée. Ainsi, avec nostalgie, je me remémore mon début d'année qui avait commencé plus tôt qu’en Europe dans un temple situé au milieu du parc Yoyogi où, après quelques yens lancés, j'ai joint les mains et fait un vœu, comme les quelques milliers de personnes qui se trouvaient autour de moi. Depuis, j’observe incrédule la succession d'événements qui s’imbriquent avec une logique qui n’a rien de rationnelle mais qui rappelle étrangement celle dont il fallait user dans Tetris. 

Lors d'un déjeuner au soleil avec C., je partageais ces sentiments d'évidences, ces belles rencontres et ces fausses coïncidences qui m'apportent chaque jour un plaisir sans nom. "Tu sais, comme disait Paul Eluard, il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous." J’eu soudain la sensation que l’on m’offrait un nouveau relief à mon printemps déjà fortement ensoleillé. 

Même si aujourd’hui, à cette évocation, mon coeur se serre et ne peut s’empêcher de se souvenir de cette rencontre dont la finalité n'était que la repercussion d'un lot considérable d'impondérables, là où les attentes que nous avions l'un envers l'autre n'avaient finalement que renforcé nos désaccords, je me  surprends soudain à puiser une énergie bien différente remplie de belles promesses. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Paris-Kyoto
Publicité
Publicité