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Paris-Kyoto
31 mai 2015

Une chose après l'autre

 tout reprend sens

"Tous les jours, nous faisons face à de petites tragédies. La bonne nouvelle? Nous finissons toujours par les surmonter." 

                                                                                                      A. Demidoff

 

Dans cette clinique, à quelques pas d’un petit jardin où le gazon est coupé avec un soin d’orfèvre et dans lequel même les moineaux semblent avoir l’air en meilleur forme, on s’y déplace du monde entier. Certains y viennent pour un simple bilan de santé et d’autres pour la séduisante promesse d’un rajeunissement intégral avec, en prime, un lissage de la peau grâce aux bienfaits des cellules issues de la panse de moutons noirs. 

Avant la première consultation, assise dans un petit fauteuil beige de la salle d’attente, c’est dans un japonais d’une douceur infinie qu’elle m’a expliqué avoir toujours le cœur serré lorsqu’elle se retrouvait témoin de la complicité créée entre une mère et sa fille. « C’est idiot à mon âge mais je les envie terriblement. Ma mère a quitté ce monde avant que je ne sois capable de comprendre, qu'au delà de ses problèmes liés à la boisson, elle était une femme formidable. Il est dorénavant trop tard pour avoir des regrets. » Malgré un regard soudain assombri et des silences qui en disent beaucoup plus qu’ils ne le devraient, son sourire est resté figé sur son visage. L’arrivée du pneumologue, au serrement de main énergique, a mis fin à notre conversation mais elle venait sans le savoir, de bouleverser le mien, de cœur. 

Au moment de me remémorer que ce jour là, il m’avait fallu employer sans sourciller des termes comme «leucocyte», «palpitation», «hépatite» ou «apnée du sommeil» et que la semaine précédente, ma timidité maladive avait dû être momentanément rangée au placard pour poser ma voix sur les ondes d’une chaîne de radio nationale ou encore avant de m’exprimer face à un public venu en masse, je réalisais à quel point mon métier m’amenait souvent à mes limites, bien malgré moi, dans des environnements variés.

Ainsi, après ces va-et-vient de discussions, que j’essaie de rendre le plus fluide possible et dont je ne mesure jamais l’effort en simultané, c’est sur une terrasse de mon nouveau quartier, là où la bière pression est toujours accompagnée d’une petite planche de poulpe grillé assaisonné de sel et de paprika fumé, que j’ai aimé qu’il pose ce regard à la fois doux et amusé sur mes anecdotes à la fin d’une journée où le monde m’avait semblé tourner un peu à l’envers. 

« Dans le domaine du manga, il n’y a aucune différence entre un professionnel reconnu et un artiste talentueux. Le premier a trouvé un éditeur tandis que l’autre n’a pas eu cette chance, voilà tout. » En traduisant ces propos à un jeune dessinateur au succès récent, je me souviens avoir baissé les yeux et fait mine de ne rien remarquer lorsqu’en guise de réponse, des larmes à peine contenues sont apparues et qu’il s’est levé de table alors que les entrées venaient d'être servies.

Face aux petits aléas de la vie qui me font, l’air de rien, tanguer intérieurement au point de me dire que je ferais mieux d’adhérer, une fois pour toutes, aux propos de personnes raisonnables à la vie bien ordonnée, une parenthèse totalement imprévue s’est présentée, repoussant mes interrogations et offrant une joyeuse perspective à une fin de semaine chargée émotionnellement parlant. C’est la tête déjà un peu ailleurs que j’ai rempli un sac de voyage à la va-vite en empoignant sans grande conviction quelques affaires passe-partout : un short en jeans, des chemises, une paire de sandales en cuir achetée chez un artisan en Italie, une étole bleu Klein, mes Wayfarer, un pull en cachemire et un rouge à lèvres corail. 

Se sont succédés des réveils aux aurores face à une mer turquoise, une traversée en bateau pour atteindre cette île où l'odeur des pins qui y règne m’émeut à chaque fois et me rappelle passablement de souvenirs, des bains de soleil, un pique-nique dans un champs d’oliviers, des retrouvailles, des anchoïades trouvées juste à temps au cœur d’un marché sur le point de fermer, des verres glacés de rosé pêche sur la place de la liberté avec D., des messages remplis de tout ce que j’aime qui arrivent au moment où je m’y attends le moins, des petits déjeuners où l’on prend son temps et des attentions que chacun porte, à sa manière et à son propre rythme. 

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Commentaires
L
Toujours pleine de poésie et de douceur. Ton texte fait penser, réfléchir, rêver ...
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Paris-Kyoto
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