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Paris-Kyoto
15 février 2016

C’est le changement de saison

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« Je suis sur le canapé du salon avec Antoine, mon mari. Nous nous sommes racontés notre journée, brièvement, l’essentiel pensons-nous, après le Conservatoire j’ai fait trois accordages, celui de la rue de l’Abreuvoir puis deux seulement l’après-midi, je suis rentrée tôt, j’ai fait les courses et préparé des papillotes de saumon en buvant un bon verre de vin, c’est simple. Et j’aime ça. La journée accomplie. Et juste. »

Dans Nous étions faits pour être heureux de Véronique Olmi

A 7h28, après avoir descendu les 4 étages et traversé la cour, embrassé  S. deux fois, m’être installé sur le siège arrière pour étendre ma jambe gauche plâtrée, j’ai entendu le chauffeur, à qui je venais de donner l’adresse d’un hôtel près de Montparnasse, rebondir à voix haute sur un propos d’une émission de radio que je n’écoutais pas: « C’est vrai ça. Il n’y a qu’en France que l’on fait l’effort d’apprendre des langues étrangères. Vous voyez, moi par exemple, je prends des cours d’anglais depuis deux semaines. »  

Trente minutes plus tard, dans le grand lobby de cet établissement d’affaires, j’ai retrouvé quinze ingénieurs et le président d’un laboratoire arrivés la veille après un long vol. Il y eut des salutations sans éclats de voix, des présentations, des sourires, des têtes inclinées à 45 degrés et des échanges de cartes de visite dans les règles de l’art. Ce premier acte bouclé, le marathon pouvait commencer. 

En fin de journée, dans un état un peu second, j’ai observé en solitaire les pressés qui traversaient la Place de Clichy. Il faisait déjà sombre, l’air était froid et les klaxons allaient bon train mais pour moi, ce moment était un précieux sas de décompression. Dans l’agitation caractéristique de l’heure de pointe, je reprenais mon souffle en savourant un verre de Saint-Emilion, avant de rejoindre N. et A. où les retrouvailles seraient, je le savais déjà, simples, douces et remplies d’attentions à l’égard de chacun. 

Quelques jours plus tard, dans un petit bar tendance du moment, où la conception du confort des tabourets surélevés en métal est assez discutable, je lui racontais les deux articles en cours de rédaction, le recueil de nouvelles sur lequel je travaillais et les photos que j’espérais pouvoir prendre lors de mon prochain voyage, là-bas. 

Alors que j’étais en train de partager, non pas des anecdotes de vie mais bien plus, je vis sa main, couverte de bijoux (dont le montant  total devait sans doute dépasser le PIB de plusieurs pays réunis), balayer nonchalamment une mouche invisible avant que sa bouche ne s’anime: « non mais quand je te demande de me raconter tes futurs projets, je te parle de vrais projets, comme celui, tu sais, d’avoir des enfants, avec lui. » Je hélais le serveur et commandais un second cocktail.

(…) 

Dans cette salle confinée et réservée aux entretiens, entourée de cinq personnes au regard sérieux et en blouse blanche, j’ai dû, à la question « comment aviez-vous rêvé votre vie? », rendre mon point de vue le plus précis possible, en prenant soin de choisir mes mots. 

« Vous avez donc toujours voulu être … libre? » 

« Oui », ai-je répondu, presque essoufflée de fatigue, par tout ce que ces trois petites lettres représentaient dans ma construction.

Plus tard, après avoir repris mes esprits, j’écoutais avec amusement un ancien étudiant de l’Ecole du Louvre conclure, de manière très sérieuse, son récit par: « Je trouve qu’il règne ici une atmosphère aussi étrange que si la famille Adam’s rencontrait la famille Pierrafeu. Tu ne trouves pas? »

J’ai bien sûr ri et me suis alors soudain souvenue des paroles d’un scénariste enthousiaste qu’il m’avait été donné de rencontré quelques mois auparavant: « Mon bureau était d’abord situé dans un quartier rempli de producteurs et de journalistes. A l’heure de l’apéro, on se retrouvait entre nous et les sujets de discussions retombaient immanquablement sur les problèmes de subventions et sur la morosité du milieu. Vous n’imaginez pas comme ça me déprimait. Plus tard, nos locaux ont été déplacé à côté d’un hôpital psychiatrique et un aérodrome. On buvait des verres avec les psychiatres et les pilotes. Et là je peux vous dire qu’il y avait un sujet de film tous les jours. » 

 

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