White Christmas

Dans la maison où j’ai grandi et dans laquelle je reviens de plus en plus rarement, il y a des photos aux couleurs passées de mon frère et moi au dessus du piano, toujours un pot de fleurs fraîches sur la cheminée en marbre noir striées de lignes blanches, des canapés en chesterfield au cuir patiné et le tic-tac discret, que l’on n’entend plus une fois habitué, provenant de l’horloge qui appartenait à Madeleine, mon arrière-grand-mère.

J’aime toujours autant le paysage de montagne qu'offre la terrasse, surtout le matin, lorsque les premiers rayons du soleil se lèvent.

Au bout de la rue, juste à l’angle, la boulangerie n’a pas bougé, ni le parc dans lequel j’ai fait un nombre incalculable de footing à une époque où j’avais, dans mon imagination d'adolescente, des kilos superflus.

Ce soir, dans la salle à manger, quelques bougies sont allumées, de nombreuses assiettes en porcelaine sont remplies de mets japonais que ma mère a mis certainement des heures à préparer et à élaborer, compte tenu de la saison, de l’occasion et de ses invités. (Bien qu’elle n’avouera jamais y avoir passé la journée entière, ou pire, le jour d’avant.)

Les murs de cette maison, et surtout ceux de ma chambre, m’ont vu étudier, avec un café serré refroidissant sur un coin de mon secrétaire l'air un peu hagard et le chignon défait comme une ouvrière de la révolution industrielle en Grande-Bretagne, grandir peu à peu, imaginer ma vie d’adulte, douter de temps à autres mais jamais très longtemps, et rêver d’horizons nouveaux.

Même si finalement je me suis aussi construite au delà de ces murs, au delà de cette ville, c’est ici que sont mes bases que je le veuille ou non. À force de vouloir toujours aller de l’avant, il est parfois tentant de l’oublier.