Rêver de s’assoupir. Juste quelques instants.

« Vous venez pour affaires à Paris, Monsieur Swann?»

« Non, je viens pour dormir. »  

Dans Yves Saint Laurent de Bertrand Bonello

A la séance de 11h ce lundi matin, dans cette immense salle de cinéma à quelques pas seulement de l’église Saint Eustache, ces deux phrases ont raisonné d’une manière assez particulière. 

En attendant de trouver la recette miracle pour que tout reprenne d'avantage de sens, j’ai jonglé avec les éléments que j’avais à disposition et fait un peu de barre au sol avec ma vie pour mieux l'ajuster à ce qui se présentait à moi. 

S., en m'observant faire mes petits bricolages, m'a mise en garde : « N’oublie pas de ménager tes ressources. » 

Ainsi, j’ai épluché avidemment des dizaines de portraits de Libé, couru longtemps et souvent, repris goût de cuisiner dans le calme de la nuit accompagné d'un peu de vin, écouté la radio italienne le matin au réveil avant de sauter sous la douche comme je le faisais en été, oublié à deux reprises le code de mon immeuble, parlé de balancier à spirale et d'amplitude stable au sein d'une manufacture horlogère, appris la notion de renoncer face à l’inévitable, distribué généreusement des "plus tard", des "on verra bien", des "tant pis" et passé des heures à écrire dans le silence de cet atelier, ma bulle, là où rien ne peut me rendre maladroite de mon existence.  

Petit-à-petit la saison automnale a eu, contre toute attente, la saveur des choses achevées: un manuscrit, des articles publiés et des états d’âme rangés dans de belles boîtes imaginaires. 

Un appel de Tokyo, des nouvelles de Popayan et de Buenos Aires plus tard, je réalisais l’ampleur de ce que m’écrivait C. depuis New York: « Sometimes, I really wonder what is the point of life if it can’t be shared ». Savoir partager les choses. Oui. Mais surtout l'importance de le faire avec les bonnes personnes.